Dîner en Blanc à Kigali
Non, il ne s’agit pas d’une renaissance du Ku Kux Klan en
terres africaines. Pas non plus d’une résurgence des soirées en blanc qui ont
fait la renommée d’Eddy Barclay sur la croisette. Le Dîner en Blanc est un
évènement originaire de Paris (cocorico) qui a vu le jour il y a 24 ans, fruit
de l’imagination d'amis qui, manquant de place pour accueillir leurs convives, ont opté pour l’option « flashmob » : l’endroit serait sauvage, en
public, et communiqué aux invités au dernier moment. Détail rassembleur pour ces derniers : tous devraient être vêtus de blanc. L’expérience, véritable
succès, rassemble aujourd’hui 15.000 personnes à Paris, et a été dupliquée à
l’international (Europe, Amérique du Nord, Australie, etc.).
Le 11 août dernier, Kigali allait devenir la première
ville africaine à se mettre sur son 31 et s’asseoir à la table du Dîner en
Blanc. Il se trouve que j’ai pu être associé aux préparatifs puisque les
organisateurs ne sont autres que la boîte de com’ et évènementiel Illume, créée
par mon ancien coloc Gaël et d’autres de ses acolytes. Il y a quelques mois de
cela, mon téléphone sonne : à l’autre bout du fil, Joan, une associée de
Gaël. Elle souhaite en fait solliciter un soutien de l’ambassade de France ou
de l’Institut français pour l’organisation de la soirée, qui a ses racines en hexagone.
Ni l’une ni l’autre de ces institutions ne seront en mesure de répondre favorablement
à cette requête, le parrainage de tels évènements n’entrant pas dans leurs
prérogatives. Les préparatifs continuent cependant et la date du 11 août est
arrêtée. Le Dîner fait sa pub et intéresse pas mal de monde dans les catégories
aisées (à 12.000frw l’inscription, soit 15 euros, plus 5.000 frw pour la
nourriture si tu ne ramènes pas la tienne, sans compter l’achat de vêtements
blancs, il faut avoir atteint une certaine aisance pour se permettre d’y
aller). Quelques jours avant la date butoir, et avant que je n’aie moi-même
pris ma place, mon téléphone sonne. Gaël speaking : « dis, ça
t’intéresserait de faire le MC à la soirée Dîner en Blanc ? T’es français,
tu peux parler anglais, et il nous faut quelqu’un qui peut être drôle ».
J’accepte (la perspective de ne pas payer les 12.000 frw d’inscription a un peu
joué, j’avoue…) et suis donc briefé par l’équipe.
Le soir du Dîner arrive. J’ai eu beau chercher des jours
durant, impossible d’obtenir la moindre information sur la localisation de
l’endroit. A Paris, la place des Vosges ou le Château de Versailles ont figuré
parmi les lieux hôtes de l’évènement. Point d’endroit de ce genre dans cette
cité en construction (CF article ici), j’imagine qu’on va privilégier un coin
de verdure. Mais quand on connaît la place accordée aux espaces verts à Kigali, on
a beau chercher, on doute… Bref, le jour J, je me rends à l’hôtel Lemigo où un taxi doit me déposer
sur le lieu des festivités avec Angel, Rwandaise choisie pour être MC avec moi.
Il traverse une partie de la ville, puis tourne à droite sur une route en
terre. Direction Shoters, le bar/boîte qui se trouve à côté du centre Ishyo.
Bizarre, aucun endroit propice à un dîner en plein air où près de 400 convives
vont s’attabler. « Ne vous inquiétez pas, on va juste chercher
Eric », nous dit le chauffeur. Comme il y a à peu près autant d’Eric au Rwanda qu’il y a de
Dupont en France, je n’ai aucune idée de qui il s’agit. Arrivé chez lui, il se
trouve que c’est le DJ de la soirée, et aussi un ami. Le monde est petit ! Nous sommes déjà tout de
blanc vêtus, sauf lui bien sûr, qui n’a pas reçu son costume. Il est déjà 16h,
heure à laquelle Gaël nous avait demandé d’être présents… Finalement le costume
arrive, on se met en route, et le chauffeur reçoit l’instruction de nous amener
à Gaculiro, quartier résidentiel chic aux fausses allures de faubourg de
Liverpool, avec maisons individuelles en briques rouges, petites allées, et
tutti quanti. Voyez plutôt :
Au milieu de cet endroit, une esplanade verte où les festivités se dérouleront.
Le tout est déjà presque prêt à notre arrivée : lampions blancs accrochés à des guirlandes qui traversent la place de part en part ; tables dressées, nappes blanches, serviettes blanches, chaises blanches. On a dit Dîner en Blanc hein…
Au milieu de cet endroit, une esplanade verte où les festivités se dérouleront.
Le tout est déjà presque prêt à notre arrivée : lampions blancs accrochés à des guirlandes qui traversent la place de part en part ; tables dressées, nappes blanches, serviettes blanches, chaises blanches. On a dit Dîner en Blanc hein…
Et les convives, ils vont venir comment ? Six points de rendez-vous ont été fixés en ville, ou des bus attendent les participants. Tous se mettent en route vers 17h puis se rejoignent à l’hôtel Umubano (aussi connu comme étant le Novotel, Méridien, ou Laico : détail utile pour quiconque souhaite s’y rendre en moto taxi, le chauffeur connaîtra forcément un de ces noms…). Ils partent alors tous ensemble vers leur destination finale, non sans moult détours, déviations, faux raccourcis et demi-tours (l'endroit est secret !) . Vers 18h, les premiers bus débarquent leur flot de passagers élégamment habillés. Les convives ont rivalisé d’inventivité pour se couvrir de blanc de la tête au pied. On les oriente, leur demande de trouver leur table, pour qu’ils commencent à sortir leurs accessoires et décorer leurs tables. Des prix seront remis à la meilleure table, ainsi qu’aux meilleurs apparats masculin et féminin. Le déroulement du Dîner est codifié, c’est même une marque déposée à Paris : d’où l’importance de suivre les étapes. Avant le Dîner, on agite les serviettes blanches au dessus de sa tête (Patrick Sébastien serait ravi), et on mange. Interlude musical avec Mike, artiste rwandais qui fait battre le cœur de ces dames. Puis au final remise des prix, et enfin allumage de ces petites choses qui font des étincelles sur les gâteaux d’anniversaire, pour un rendu marrant. Le reste sera musique, DJ, et after party.
Au-delà d’un simple Dîner, il s’agit pour Kigali de
s’ouvrir de nouveaux horizons. L’Institut français avait commencé en organisant
un concert de tambourineurs en plein centre ville pour la fête de la musique,
Illume continue de s'approprier l’espace public le temps d’un dîner. Kigali est
réputée comme étant une ville calme, très organisée, ou rien ne dépasse. Du
coup, l’ambiance dans les rues s’en ressent : pas vraiment vivant,
l’utilisation des espaces publics de la ville se résume à des déplacements. Peu
de quartiers qui ont une « âme », à l’exception des Nyamirambo
(quartier musulman), Nyabugogo (gare routière) et Kimironko (marché). Le reste
est assez aseptisé. On ne peut que se réjouir de voir de tels évènements
investir les rues de la ville, même si dans ce cas présent le quartier choisi
était strictement résidentiel et occupé par des catégories sociales très
favorisées : peu d'impact sur la ville en général, mais qu'importe. Très agréable de voir aussi le continent africain s’approprier des
concepts extérieurs en leur donnant une touche personnelle, que ça soit dans
l’organisation, l’esthétisme, ou la pratique en général.
Chapeau donc aux organisateurs pour leur audace.
Rassembler 400 personnes désireuses d’investir autant pour que ce Dîner soit
une grande fête, c’était pas gagné. Le défi a été relevé avec brio !
Rien de mieux qu'une vidéo pour visualiser l'évènement :
Dîner en Blanc® Kigali 2012 (Official Video) from illume creative studio on Vimeo.
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