Gisenyi

Deux mois et demi que je suis ici, et faut l’avouer, j’avais pas encore vraiment voyagé à part cette petite excursion au parc de l’Akagera. Ce sédentarisme bien trop prononcé à mon goût s’explique par plusieurs raisons : l’attrait de la vie nocturne à Kigali le week end, une flemme parfois incroyable, à moins que ce ne soit ma condition de stagiaire non rémunéré qui me mette parfois des bâtons dans les roues… Quoiqu’il en soit, le week end dernier a vu les choses se dérouler différemment puisque je me suis rendu à Gisenyi, ville lovée entre les collines et les rives du lac Kivu.

Du fait de la petite taille du Rwanda (26.000km², soit un peu plus petit que la Belgique), les possibilités de voyage sont nombreuses. Des bus effectuent en quasi continu la liaison entre les principales villes. On a opté pour celui de 17h30. On, c’est Alena (une Allemande en stage à l’UNESCO rencontrée à une soirée à l’ambassade d’Allemagne et où je me demande encore comment j’ai fait pour atterrir) et Yannick (un Rwandais que j’ai rencontré… je sais plus trop comment d’ailleurs !). Le trajet dure 3h, et est normalement plutôt confortable. Je dis normalement car notre arrivée tardive à la gare routière (à 17h29 pour un départ à 17h30) nous a relégués sur les strapontins dans l’allée du milieu, et ça c’est pas cool. En partant à cette heure là, je me suis dit que j’allais pouvoir profiter des paysages baignant dans la lumière ambrée du coucher de soleil pendant la première heure de trajet. C’était sans compter sur un camion qui avait eu la bonne idée de se renverser et de se mettre en travers de la route quelques kilomètres après la sortie de Kigali, nous bloquant jusqu’à 19h. Tant pis, on voyagera de nuit. Pendant le trajet, je commence à papoter avec mon voisin. Son anglais hésitant rend pas les choses faciles, jusqu’au moment où il me demande d’où je viens et où des petites lumières dans ses yeux sont apparues au son du mot « France », lui-même étant francophone et rêvant de visiter notre pays. La discussion s’oriente rapidement vers les problématiques de développement et les politiques mises en place par le gouvernement pour répondre aux nombreux défis en la matière. Le bonhomme m’a l’air vraiment calé, ce qui me pousse à lui demander ce qu’il fait dans la vie : c’est le vice maire d’une province du Nord du pays, en charge du développement économique (en France, ça serait l’équivalent d’un vice-président de région). Le courant est très bien passé, on s’est échangé nos numéros et on ira se faire une bouffe à nos retours respectifs à Kigali. On arrive à Gisenyi vers 22h, et là, surprise : panne de courant dans toute la ville. Génial, on va se marrer. On finit quand même par trouver notre hôtel (enfin auberge de jeunesse au confort un peu rustique) puis direction la maison d’Olivier, le frère de Yannick qui habite la ville. Il vit ici car il travaille sur une plateforme d’exploitation de méthane sur le lac Kivu. Vraiment sympa, il nous propose même de le prévenir la prochaine fois qu’on revient pour qu’il nous arrange une visite de la plateforme. La soirée continue dans un bar puis dans un autre, et le retour tardif à l’hôtel nous fait craindre la dure sonnerie du réveil le matin…

La première rencontre avec la ville aura eu lieu sous le prisme de la vie nocturne. Le samedi sera l’occasion de voir à quoi ressemble vraiment Gisenyi. La ville en soi n’est pas incroyable : une route bitumée la traverse de bout en bout, avec comme seule façades des banques et des commerces ou l’on trouve de tout et de rien, mais surtout n’importe quoi. Le reste des rues est en très mauvais état, et on parlera d’ailleurs plutôt de pistes. Elles sont faites de terres, de pierres, et de morceaux de roche volcanique (on est à quelques kilomètres du parc national des volcans). Pas de bâtiments charmants ni de petits parcs sympas, bref, on sait que si on vient à Gisenyi, c’est pour le lac et la plage. On va pas se mentir, c’est aussi pour ça qu’on est là : faire nos loques au bord de l’eau toute la journée, profiter du paysage et du soleil. Non pas que la ville n’offre rien d’autre à faire : les plantations de thé entourent la ville, on peut visiter la brasserie qui produit à peu près toutes les boissons en circulation dans le pays (du coca à la bière), et certaines balades sur les crêtes des collines environnantes doivent dévoiler de somptueux points de vue. Mais nous, on n’est pas là pour ça. Il est midi, direction la plage centrale dite « tam-tam », ne me demandez pas pourquoi. On peut résumer les activités de l’après-midi à : transat, soleil, baignade, brochettes, frites, bières bien fraîches. Des moments tout ce qu’il y a de plus agréable, d’autant qu’on a entre temps été rejoints par d’autres zouaves de Kigali : Charlotte (une Française en stage à Handicap International), Emmanuel (un autre Français qui travaille sur un projet de développement rural), Sabrina (ma coloc allemande) et Carmen (une Hollandaise qui fait de la recherche sur le VIH). Une belle bande de muzungu, les bronzés au Rwanda…

C’est bien beau tout ça, mais à quoi ça ressemble ? Et bien c’est ce qu’on a pris le temps de regarder à partir de 17h. On a mis fin à toutes nos activités en cours (et Dieu sait qu’elles étaient pas bien nombreuses…) pour chacun prendre une chaise, la poser sur les rives du lac et admirer le coucher du soleil les pieds dans l’eau. Et là, mes enfants, je vous assure que ça vaut le coup. Face à nous, le Kivu, qui s’étend à perte de vue. Sur les côtés, des collines verdoyantes sur lesquelles s’accrochent quelques maisons en terre cuite dissimulées derrière les énormes feuilles de bananiers. Au loin sur la rive droite, c’est le Congo. Gisenyi se trouve à la frontière avec la RDC, et c’est sa sœur jumelle Goma qui s’étend de l’autre côté. Partout autour de nous, les collines se suivent et ne ressemblent pas, découpant l’horizon au gré de leurs cimes. La brume qui doucement est tombée plonge l’ensemble dans une lumière aux teintes jaunâtres et orangées. Les traînées de couleur viennent joliment se refléter dans le lac. On serait bien restés quelques heures à admirer le spectacle, mais le soleil a fini par disparaître totalement derrière le relief peu avant 19h.

C’est donc l’heure pour nous de décamper et de nous mettre en route vers un petit resto où l’on sert ce dont les Rwandais raffolent : le « kabenzi », des morceaux de porc frits servis avec leur assiette de frites, le tout arrosé par une bonne bière pour faire passer ça. Le régime Duncan n’a pas fait son chemin ici. La sortie de la veille aura laissé des traces, et la fatigue qui s’empare progressivement de nous met fin à toute tentative de décoller pour poursuivre la soirée ailleurs.

Le dimanche nous donnera l’occasion de mettre le nez en dehors de la ville pour voir ce qui se fait dans les environs. Pas de rando, on a dit qu’on n’était pas venus pour ça… Mais un trajet en moto taxi pour aller rejoindre un restaurant situé à 6km de Gisenyi. Le trajet en soi est des plus agréables. Les routes qui se fraient un chemin parmi les collines nous proposent tantôt une vue sur les vallée, leurs plantations et leurs charmantes petites habitations, tantôt sur le lac, majestueux. Le restaurant est situé au bord de l’eau, et s’appelle sobrement le « Paradis ». On comprend pourquoi… L’endroit fait aussi hôtel et dispose de sa propre plage. L’intérieur est parfaitement décoré, des tentures aux motifs typiquement africains enroulent les pilonnes qui soutiennent l’édifice et le bois du mobilier semble provenir d’un arbre abattu la veille. La salle est très largement ouverte sur un jardin qui fait la jonction avec le bord de l’eau, et où les tables sont installées entre des bosquets fleuris, savamment agencées pour que l’on puisse profiter du cadre en toute intimité sans avoir à supporter la vue de son voisin qui finit son assiette avec ses doigts. La nourriture est exquise : le tilapia (poisson du lac Kivu) mariné et grillé est à tomber par terre (je mets les détails au cas où des gens tomberaient ici par hasard en cherchant des infos sur cet hôtel-restaurant, courez-y sans perdre une seule seconde !).

La petite balade qui suit le repas est tout aussi agréable. Au fil de l’eau on tombe sur des pêcheurs préparant leurs filets et des commerçants chargeant des embarcations de tonnes de bananes. Les enfants, tout surpris de voir une brochette de blancs dans leurs villages sont intimidés par notre présence pour certains, franchement pas effarouchés pour d’autres qui se précipitent vers nous aux hurlements de « muzungu », histoire de nous rappeler qu’on est blanc au cas où on aurait oublié. Les aigris trouvent ça franchement énervant ; mais quand je vois les sourires s’afficher sur les visages des gamins et leurs mines éberluées quand ils nous voient passer dans leur rue, je trouve ça plus mignon qu’autre chose et je comprends pas vraiment ce que ça a de dérangeant…

Le retour à Kigali s’est fait le dimanche en fin d’après-midi, et là on a vraiment pu profiter des paysages. Splendides, avec en prime une vue sur les volcans du parc du même nom, surplombés par les nuages qui restent accrochés dans leurs hauteurs… Ca serait criminel de ne pas revenir ici !

Pour ce qui est des photos, mon appareil est toujours à quai en France, mais les personnes avec qui j’ai voyagé en ont pris un paquet que je vais m’empresser de récupérer dès que possible !

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