Kagame : jamais deux mandats sans trois ?

1994 : les rebelles du Front Patriotique Rwandais prennent le pouvoir après quatre ans de guerre et surtout un génocide dirigé contre les Tutsis qui a coûté la vie à près d'un million de personnes. Paul Kagame est le chef de file de cette rébellion constituée en Ouganda, qui recrute parmi les vagues de Tutsis venus trouver refuge chez le pays voisin depuis l'indépendance du Rwanda, désormais géré par les Hutus. Cependant,  suite à sa victoire, Kagame n'occupe pas immédiatement le poste de président de la République. Cette délicate tâche, dans un pays qui a séjourné dans les plus profonds abîmes de l'enfer pendant trois mois et où tout est à reconstruire, incombe à Pasteur Bizimungu, un Hutu modéré. Mais personne n'est dupe : s'il n'est pas président, Paul Kagame est bel et bien à la tête du Rwanda grâce à ses casquettes de ministre de la défense et de vice-président, cantonnant Bizimungu à un rôle de représentation pure. D'ailleurs, en 2000, après de nombreux désaccords entre les deux hommes, le président est contraint de démissionner. Kagame le remplacera, élu par l'Assemblée Nationale. Trois ans plus tard, dans une volonté de remise en place d'un Etat de droit, une constitution est créée et adoptée par référendum. Le texte fondateur régit en ces termes les mandats présidentiels : le président est élu au suffrage universel direct pour une durée de 7 ans, renouvelables une fois. En 2003, alors que la constitution est adoptée, Paul Kagame est élu par le peuple à 95% des voix. En 2010, lors de nouvelles élections présidentielles, il rempile pour 7 années supplémentaires, plébiscité à hauteur de 93% des voix. Ces chiffres staliniens, et de fait la transparence des élections, sont discutables. Je ne m'attarde pas sur la question mais vais m'intéresser à une problématique qui tend à occuper de plus en plus l'espace public au pays des mille collines : quid des élections de 2017 ? La constitution ne permet pas à Kagame de se représenter, et lui impose de passer la main. Pourtant, rien n'est moins simple...

Une façon de gouverner qui laisse peu de place à un éventuel successeur

Depuis sa prise du pouvoir en 1994, c'est peu dire que le général Kagame fait peu de cas de ce qu'il conviendrait d'appeler "l'opposition". Les guillemets sont fort à propos, tant il est vrai que l'existence de ladite opposition a été... mouvementée. 

Cela commence dès la libération. Le gouvernement d'unité mis en place à la fin du génocide a fort à faire : pacification du pays, reconstruction physique et morale, arrestation et jugement des génocidaires. Seth Sendashonga est ministre de l'intérieur de ce nouveau gouvernement. Il est l'un des quelques Hutus qui se sont rangés aux côtés du Front Patriotique Rwandais dès 1992. Après la libération, il dénonce à de multiples reprises les massacres de représailles qui ont lieu à l'encontre de Hutus soupçonnés d'avoir pris part au génocide. Le ton monte entre Paul Kagame et lui, au point qu'il est forcé de quitter le Rwanda et part en exil au Kenya en 1995 où il met sur pied un mouvement d'opposition au pouvoir de Kigali. Il subit une première tentative d'assassinat en 1996 à laquelle il échappe (l'oeuvre de deux hommes dont Francis Mgabo, membre du personnel de l'ambassade du Rwanda au Kenya ; Nairobi bloquera les relations diplomatiques avec Kigali à la suite de cet évènement) mais sera finalement tué en 1998. De même, la fin des années 1990 voit une pléiade de membres du gouvernement démissionner, voire quitter le pays, suite à de profonds désaccords avec Kagame. Le départ le plus notable est celui de Pasteur Bizimungu, président de la République, qui se sent court-circuité par son vice-président. Il serait vain d'établir une liste exhaustive des démissions, disparitions et autres assassinats de personnalités qui s'opposent à lui, mais une chose est sûre : il ne fait pas bon s'opposer à Paul Kagame, et toute contestation est immédiatement matée.

D'aucuns évoquent les particularismes du contexte rwandais - sortie de crise, reconstitution d'un Etat, institutions fragiles, risques de rechute - pour justifier la répression face à toute tentative d'organisation de l'opposition. Dans ce cas, les choses auraient du se calmer avec le temps. Pourtant, la situation ne va pas aller en s'améliorant, comme en témoigne le déroulement des élections présidentielles de 2010. Victoire Ingabire, en exil aux Pays-Bas depuis une quinzaine d'années, décide en 2010 de rentrer au Rwanda et de faire enregistrer son parti, le FDU (Forces Démocratiques Unifiées), pour pouvoir concourir aux élections. Elle prononce un discours au mémorial du génocide et appelle à une réflexion sur la mémoire des victimes Hutues de la guerre civile, alors que le mémorial est dédié aux victimes Tutsies du génocide. Elle est arrêtée puis sera condamnée à 8 ans de réclusion. Les chefs d'accusation sont "incitation à la révolte, propagation de l'idéologie du génocide, et association avec un groupe terroriste" (elle est accusée d'être en relation avec les rebelles du Front Démocratique de Libération du Rwanda, un groupe opposé à Kigali, initialement composé d'anciens génocidaires, et qui a trouvé refuge à l'Est de la République Démocratique du Congo). D'autres leaders ont carrément été assassinés, à l'instar de André Kagwa Rwisereka, vice-président du parti vert, retrouvé décapité. Bien sûr, le pouvoir nie tout lien avec cette affaire. Et les assassinats ne connaissent pas de frontière, comme en témoigne la tentative ratée contre Faustin Kayumba Nyamwasa à Johannesbourg. Cet ancien chef d'Etat-major avait fui le Rwanda en 2010 en direction de l'Afrique du Sud après être tombé en disgrâce auprès de Kagame.

En conséquence de tout cela : non, il n'y a pas d'opposition au Rwanda. Dix partis sont officiellement enregistrés, mais constituent soit des groupuscules non organisés, soit des satellites du FPR. Le problème est qu'en l'absence d'opposition, aucune figure n'est en mesure d'émerger et d'être reconnue par le public comme une alternative à Paul Kagame. Celui-ci occupe la totalité du paysage politique, il fait de l'ombre à toute autre personnalité et veut incarner à lui tout seul le Rwanda. Or, la démocratie n'est pas qu'une question de demande, elle n'est pas que l'affaire du choix du peuple ; elle concerne aussi l'offre, à savoir la possibilité donnée à n'importe quel individu de soumettre sa candidature pour occuper une fonction représentative. Cette possibilité aujourd'hui n'existe pas. Certes, on demande son avis au peuple ; mais on lui demande de choisir entre Kagame et Kagame.

Non seulement l'opposition est réduite au silence, mais Kagame ne veut souffrir absolument aucune contestation dans son propre camp. En faisant ainsi, et bien qu'il s'en garde, il empêche l'éclosion de futurs leaders, capables de prendre la relève et de poursuivre la marche en avant du Rwanda. Un élément marquant pour illustrer ce propos : je discutais politique avec un ami il y a quelques mois à Kigali, et la conversation s'est portée sur le premier ministre. Impossible pour mon interlocuteur de me citer le nom de celui qui est supposé être le numéro 2 du gouvernement. Croyant à un cas isolé, j'ai répété l'opération avec d'autres personnes : l'écrasante majorité de mon entourage a été parfaitement incapable de me citer le nom de cet homme. Dans ces conditions, comment un peuple qui, depuis presque 20 ans, n'est exposé qu'au nom de Kagame, peut être en mesure de considérer comme crédible la candidature d'un autre individu ? Pire encore : si jamais Kagame décide de passer la main, il supportera forcément le candidat de son parti. Comment donner une chance à n'importe quel autre individu, d'une émanation autre que celle du FPR, si celui-ci n'affiche pas la moindre proximité avec Paul Kagame ?

Un président qui souffle le chaud et le froid sur son avenir

La question du sort de "PK" s'est posée sérieusement après sa réélection en 2010. La constitution consacrant l'impossibilité pour le président de briguer un 3e mandat, les journalistes et la communauté internationale ont commencé à questionner le FPR sur le comportement à adopter à l'approcher de 2017. L'entourage a parlé, le président a parlé, sans qu'on parvienne à y voir plus clair.

Moussa Fazil, ministre de la sécurité intérieure et membre du Parti Démocratique Islamique (allié du FPR) a, dès 2010, fait part de l'intention de sa formation politique de proposer un projet d'amendement de la constitution pour lever les barrières au 3e mandat. Il s'est assez violemment fait recaler, par des proches du président d'abord. Tite Rutaremara, actuel sénateur et cadre du FPR, puis Anastase Shyaka, directeur général de l'Office rwandais de la gouvernance ont affirmé que Fazil avait probablement tenté de faire de l'humour, Shyaka ajoutant même que personne au Rwanda n'était intéressé parce que cet homme racontait. Shyaka est même allé plus loin, en expliquant dans le même interview que le président avait à de nombreuses reprises expliqué qu'il ne changerait pas la constitution, et que le peuple serait en droit de s'inquiéter si cela venait à se produire. Puis c'est Kagame en personne qui a pris le relais pour enfoncer un peu plus son ministre : "qu'il porte sa propre croix". 

Il est vrai que le président a répété à qui voulait l'entendre qu'il respecterait la constitution et se retirerait de la course en 2017. Il cite les exemples de quelques-uns de ses homologues type Mugabe (Zimbabwe) ou Mobutu (RDC) qui s'accrochent/se sont accrochés à leur maroquin et qui font honte à la fonction de chef d'Etat africain. "Plutôt mourir que d'appartenir à ce club", a-t-il dit. Le 27 février 2013, lors d'une conférence de presse, quelque peu excédé par un journaliste qui lui posait de nouveau la question, il répond :

“Look at me; I am not the person who needs the third term. I don't need it. I don't need your third term. I want to do my business for which the Rwandans entrusted me to do and when I am done I will be done...I can continue to serve my country in very many different ways”

"Regardez moi : je ne suis pas la personne qui a besoin d'un troisième mandat. Je n'en ai pas besoin. Je n'ai pas besoin de votre troisième mandat. Je veux faire ce pour quoi les Rwandais m'ont accordé leur confiance, et quand j'aurai terminé, j'aurai terminé... Je peux continuer à servir mon pays de beaucoup d'autres façons"

Le message est clair : le 3e mandat, il n'en veut pas. Seulement... Seulement, le président excelle aussi dans l'art d'entretenir l'ambiguïté sur son sort et il multiplie les déclarations qui vont dans le sens inverse de ce qu'il s'entête pourtant à marteler. Ainsi, en décembre 2011, lors d'une conférence de presse à Kampala (Ouganda), il explique qu'il n'est pas mal à l'aise avec l'idée de voir la constitution modifiée si c'est la volonté du peuple. Il ajoute qu'il y a une sorte de paradoxe entre le fait qu'il existe des pressions pour que la population rwandaise ait droit à plus de liberté d'expression, mais que d'un autre côté on puisse remettre en cause cette liberté d'expression selon ce qui en ressort. En février 2013, il poursuit sur ce registre en expliquant qu'il ne pourra de toute façon pas fuir ses responsabilités. Enfin, plus récemment, en mai dernier, l'homme fort de Kigali a donné une interview à l'hebdomadaire Jeune Afrique, dans lequel il s'exprime en ces termes au sujet du 3e mandat :

"Le débat dont vous faites l'écho, je l'encourage. Y compris sur le fait de savoir si la porte du maintien de ma contribution sous sa forme actuelle doit rester fermée - ce que je souhaite - ou être ouverte. Mon opinion, qui est celle de tous les Rwandais, est que le changement est nécessaire car il s'inscrit dans la dynamique de gouvernance que nous avons choisie. Mais il doit obéir à deux conditions : la poursuite du progrès dans tous les domaines et la sécurité nationale. Que je reste ou pas, il s'agit là d'impératifs absolus."

Qu'en déduire ? S'il réitère que l'amendement de la constitution n'est pas l'option qu'il préfère, en lisant bien entre les lignes on comprend clairement qu'un 3e mandat n'est absolument pas à écarter. 

Le FPR préoccupé

Face à ces vents, contre-vents, et contre contre-vents, il y a de quoi en perdre son latin. Afin de commencer à y voir plus clair, le président a convoqué le 8 février dernier une réunion du Comité National Exécutif du Front Patriotique Rwandais, pour faire un état des lieux de la situation. Il se trouve que le parti au pouvoir n'a pas une position homogène sur la question. Certains, à l'instar de l'ancien ministre de la justice Tharcisse Karugarama et du non moins ancien ministre en charge des affaires du cabinet, Protais Musoni, se sont clairement exprimés pour un respect de l'Etat de droit et un retrait du président. J'emploie les termes "anciens ministres" car tous deux ont récemment été débarqués et ont dû quitter le gouvernement, malgré leur statut de membres fondateurs du FPR. Pour Musoni, il s'agirait de problèmes de santé ; en revanche, pour Karugarama, il se dit que sa prise de position pour un retrait de Kagame lui aurait été fatale. En effet, ce dernier s'est exprimé dans les colonnes du Guardian le 16 mai au sujet de celui qui était encore son ministre de la justice : "Pourquoi ne lui suggérez-vous pas de se retirer lui aussi ? Ca fait de nombreuses années qu'il est là, ce n'est pas le seul à pouvoir être ministre de la justice". Ambiance... D'autres, notamment les plus jeunes, récemment recrutés dans l'administration Kagame, s'affichent clairement en faveur d'un 3e mandat.

Afin de tirer les choses au clair, une "task force" de trois sénateurs a été mise sur pied afin d'étudier les possibilités et de trouver la formule qui convienne, c'est à dire qui préserve ces trois éléments : changement, continuité et stabilité. Le sénateur Tito Rutaremara est membre de cette "task force" et a expliqué dans un interview donné à l'East Africain que "ceux qui refusaient d'examiner l'option du maintien de Kagame étaient paresseux, puisque absolument toutes les options devaient être passées au crible". Le sénateur d'ajouter que les limites dans le temps aux mandats présidentiels ne sont pas une garantie de démocratie : pour preuve, les constitutions de l'Allemagne ou encore des Pays-Bas ne les prévoient pas. Or, ces pays sont démocratiques... CQFD. Le sénateur le dit clairement : si la formule qui garantit la présence des éléments "continuité, changement et stabilité" est celle du maintien de Kagame, alors c'est celle-là qui prévaudra sur les autres. 

Les spéculations vont bon train sur les recommandations à venir de cette task force : peut-être cherche-t-elle à montrer au public que le FPR fonctionne démocratiquement, façon de prouver que si c'est l'option du 3e mandat qui est retenue, elle est tout à fait légitime. Ou peut-être cette task force prépare-t-elle une formule à la Poutine/Medvedev qui permettrait à Kagame de conserver la tête du parti et donc de garder un pied dans la vie politique, pendant qu'un président fantoche serait à la tête du Rwanda. Le changement dans la continuité, en toute sécurité...

Départ ou maintien : quelles conséquences ?

Il est toujours délicat d'anticiper les conséquences d'une décision de cette ampleur, et je ne pense pas être en mesure de prédire au détail près ce qui pourrait se passer dans l'une ou l'autre des configurations. Rien ne m'empêche en revanche de relayer ce qui a été exprimé par ci par là.

Kagame est parvenu à stabiliser le pays, c'est indéniable. De fait, les craintes quant à un départ sont légitimes : les Tutsis craignent une déstabilisation générale et un retour au chaos, alors que les Hutus ne sont pas forcément rassurés à l'idée qu'un inconnu puisse potentiellement leur mettre la tête sous l'eau et leur faire payer le génocide. Très franchement, je relaie cette idée car je l'ai beaucoup entendue, mais je ne suis pas convaincu de sa prégnance au sein de la population.

Ensuite, on ne peut faire l'économie d'une analyse pragmatique et cartésienne. Le Rwanda est parvenu à de belles réalisations, impressionnantes quand on les met en perspective et qu'on les replace dans le contexte bien particulier qui est celui d'un pays post-génocide. Cependant, il reste beaucoup à faire et un changement de leader pourrait il est vrai ralentir voire stopper l'élan insufflé par le gouvernement. C'est l'argument fer de lance de ceux qui soutiennent le 3e mandat. Pour simplifier : pourquoi changer une équipe qui gagne ? Cet argument est souvent combiné avec un autre, très en vogue au Rwanda, qui veut que les standards des démocraties de l'ouest ne soient pas forcément applicables ici. Droits de l'Homme, non cumul des mandats, séparation des pouvoirs... Ces principes sont considérés comme des émanations propres à l'occident et ne doivent pas être suivies à la lettre dans le contexte rwandais ; en conséquence, refuser un troisième mandat en vertu d'un discours occidental de renouvellement des élites peut s'avérer contre-productif. L'argument ouvre la porte à un autre débat qui interpelle sur les chances de réussite d'une démocratie dans un pays en développement. Aussi passionnant que soit ce débat, il ne s'agit pas ici de le lancer. En revanche, bien que ces arguments soient intéressants et compréhensibles, je suis persuadé qu'ils sont utilisés comme une sorte de paratonnerre, une protection derrière lesquels les défenseurs du 3e mandat se retranchent pour justifier ce qui me semble être dangereux.

Dangereux, le mot est dit. Oui, Kagame a fait de belles choses pour son pays et la question de son retrait ou non peut être posée. Oui, il est omniprésent et sa gouvernance n'a pas véritablement permis l'émergence d'un successeur, un leader à même de poursuivre la bonne marche du Rwanda. Oui, il incarne la stabilité et il est compréhensible de souhaiter son maintien. Mais malgré tous ces éléments, il est une phrase qui n'a jamais connu autant de sens qu'aujourd'hui : "les cimetières sont remplis de gens irremplaçables". Nul n'est immortel, y compris Paul Kagame. Inéluctablement, viendra le jour où il devra céder sa place. Peu importe l'amour ou la haine que l'on puisse lui porter, c'est un fait : il partira. Et je pense que 2017 s'y prête particulièrement, pour plusieurs raisons.

Depuis sa prise de pouvoir, PK n'a eu de cesse de prôner un processus d'auto-développement, la recherche de solutions locales à des problèmes locaux, l'émancipation des tutelles occidentales, bref, une totale indépendance vis à vis des grandes puissances de ce monde. Il dénonce par ailleurs ses homologues africains qui font du tort au continent en se comportant comme des voyous, véritables pilleurs peu soucieux du destin de leurs peuples. Ses flèches lancées à droite à gauche et ses critiques acerbes ne laissent pas indifférents. C'est un personnage clivant comme peu avant lui. Il a été moqué, il a interloqué, il impressionne. Il a une occasion en or de prouver qu'il ne s'y trompe pas, que l'Afrique n'est pas ce continent de guerre et de chaos que l'Ouest se représente, qu'elle peut suivre sa propre voie, sereinement. Respecter la constitution et se retirer en 2017 sera, il me semble, la plus importante pierre dans l'édifice Rwandais qu'il s'acharne à reconstruire, et surtout un acte de cohérence qui consacrera son discours et lui donnera une portée encore plus grande. Mes détracteurs s'empresseront de me répondre que rester au pouvoir, au contraire, sera le couronnement de l'émancipation du Rwanda vis à vis de l'Occident donneur de leçons. C'est là qu'intervient mon deuxième argument : plus qu'un signal pour le monde, c'est un signal pour le Rwanda.

Les années de règne de Monsieur Kagame ont été souvent synonyme de musellement de l'opposition et de répression de toute parole dissidente. Je sais bien que ces propos sont loin de faire l'unanimité, mais essayons d'être objectifs une minute et prenons le temps de réfléchir : tout le monde au Rwanda connaît au moins une personne qui a subi des menaces, voire qui a été incarcérée après avoir exprimé des réserves ou critiques dans le domaine politique. Jusqu'à maintenant, ces atteintes délibérées aux libertés étaient compensées par un développement économique rapide qui a permis au Rwanda de se hisser parmi les réussites du continent africain. Mais aussi rapide que soit le développement du pays, il ne compense pas les manques en termes de libertés publiques et politiques, et des crispations se font sentir. De plus en plus. Le gouvernement lui-même en est conscient, et si l'opposante Victoire Ingabire n'a été condamnée "qu'à" 8 ans de prison, c'est bien parce qu'il fallait se montrer clément et lâcher du lest alors que le Rwanda commençait à être montré du doigt. Modifier la constitution pour permettre à PK de se représenter constituerait dans ce contexte un véritable verrouillage du paysage politique, un geste fort à l'égard de l'opposition qui signifierait clairement : "vous n'avez pas votre place ici". Le risque d'instabilité, il est là. A l'heure où les FDLR semblent avoir repris du poil de la bête, à l'heure où de plus en plus de Rwandais en exil s'indignent contre les pratiques de Kigali et se structurent en mouvements d'opposition (je pense notamment au Rwanda National Congress de Kayumba et ses compagnons), à l'heure où le Rwanda a été pointé du doigt pour son soutien au M23 à l'Est du Congo, il est je pense grand temps de montrer que le pays a grandi et qu'il est désormais possible de gouverner autrement sous peine d'attiser encore plus la colère de ceux qui n'ont pas voix au chapitre. Il ne s'agit pas de faire plaisir à l'occident : il s'agit d'offrir au Rwanda une chance d'assurer une transition pacifique entre un président sortant et son successeur, pour la toute première fois de son Histoire. 2017, c'est dans quatre ans : quatre toutes petites années qu'il convient de préparer dès à présent pour rendre au Rwanda le calme et la prospérité dont il a tant rêvé. 

Commentaires

  1. Kagame est Général et en cette qualité il met toujours en exécution ce qu'il dit.Il a dit publiquement que la constitution et rien que la constitution quant à ses mandats.
    Votre propagande pour qu'il emprunte le chemin des hors-la -loi est dès inopérante.
    Par votre désinformation, vous montrez ce que vous êtes. Général Kagame ne vous suivra sûrement pas même si vous êtes les siens.

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